Nantes

Un serveur de bar condamné pour avoir refusé de servir un verre à un « facho » de policier

Le serveur d'un bar du centre-ville de Nantes (Loire-Atlantique) a été condamné ce jeudi 5 octobre 2023 pour "discrimination fondée sur des opinions politiques" après avoir refusé de servir un verre à un policier hors service qui "se pavanait avec son badge" du Rassemblement national (RN) sur la terrasse de son établissement.

Un serveur de bar condamné pour avoir refusé de servir un verre à un « facho » de policier.

NANTES, 5 octobre 2023 – Le serveur d’un bar du centre-ville de Nantes (Loire-Atlantique) a été condamné ce jeudi 5 octobre 2023 pour « discrimination fondée sur des opinions politiques » après avoir refusé de servir un verre à un policier hors service qui « se pavanait avec son badge » du Rassemblement national (RN) sur la terrasse de son établissement.

Elouan XXX – qui travaillait alors au « Jungle », un bar du quartier Bouffay – a également été reconnu coupable de « menaces de mort » après avoir rappelé à Samuel XXX que les « fachos » comme lui « méritaient une balle dans la tête ».

Le 3 octobre 2022, ce punk de 22 ans avait d’abord rappelé à son client qu’il « avait des principes » et qu’il refusait donc de le servir ; le policier avait ensuite appelé le patron du café, qui n’était pas sur place, pour lui demander d’intervenir. Jean-Daniel Coquer avait alors promis à son employé de lui infliger « un avertissement » et l’avait renvoyé chez lui, provoquant sa colère.

« Je voulais exprimer mon inquiétude par rapport au fait que des fonctionnaires de police puissent adhérer à un parti qui été fondé par des Waffen-SS [Pierre Bousquet, co-fondateur du Front national (FN) avec Jean-Marie Le Pen, ndlr] », a expliqué à la barre le jeune Nantais. « Mon arrière-grand-père a lui-même eu des déboires pendant la guerre à cause de ses opinions. »

Il avait des craintes par rapport à ses  » Identité de genre et orientation sexuelle « 

Elouan XXX avait par ailleurs des craintes par rapport à « ses identité de genre et orientation sexuelle », lui qui a déjà « reçu plusieurs insultes homophobes » liées à son « maquillage » et son « vernis à ongles ». « Il n’avait pas à se pavaner comme cela, avec sa matraque télescopique à la ceinture », a-t-il donc répété aux juges du tribunal correctionnel de Nantes.

Le plaignant et les quatre collègues qui l’accompagnaient l’auraient aussi « provoqué » en lui faisant « un salut nazi », a assuré le jeune serveur. Ayant déjà eu « quelques différends par le passé » avec ce client qui « porte son badge [du RN] à chaque fois que je le vois », il estime que le policier aurait pu s’adresser à « une autre personne derrière le bar qui n’était pas occupée ».

Le prévenu a à vrai dire assisté au « sacré virage vers l’extrême-droite » pris par S2N (Sécurité Nocturne Nantes), l’association qui « créée par l’ancien patron du Jungle » [Cyril Bernard, ndlr] pour lutter « contre l’insécurité en agglomération nantaise ».

« Mais vous avez certainement servi sans le savoir des verres à des gens qui ne partagent pas vos opinions », lui a fait remarquer le président du tribunal correctionnel. « Vous ne pouvez pas faire de chaque service un débat politique. »

« La Race  » de sa compagne évoquée à l’audience

Le prévenu a néanmoins rappelé qu’il avait déjà « refusé l’homophobie » sur la terrasse du bar en reprenant des clients ayant dit « lors d’un match de foot » que « les Belges, c’est des pédés » – lui-même étant né à Tournai (Belgique).« Pour les gens de ma génération, vous avez le mode vestimentaire des punks d’extrême-droite en France », lui a répondu l’avocate du policier.

D’un point de vue judiciaire, le jeune serveur nantais avait une seule condamnation à son casier judiciaire jusque-là : il avait écopé de quatre mois de prison avec sursis en septembre 2020 pour des « violences sur personne dépositaire de l’autorité publique ». Atteint de « phobie scolaire » et de « troubles de l’hyperactivité », il a arrêté l’école en classe de première.

« Il est vrai que j’ai un badge du RN, un parti qui n’est heureusement pas interdit », a pour sa part simplement réagi à la barre Samuel XXX. Ce brigadier de nuit au service « Police Secours » est « impliqué aussi bien auprès de citoyens français qu’étrangers, et de toutes religions », a souligné son avocate avant de lui demander « la race » de sa compagne.

« Alors quelle est l’origine ethnique de votre compagne ? », a dû se reprendre Me Annie Hupé « pour ne pas déranger les bien-pensants » suite aux réactions outrées d’une assesseure et de l’avocat de la défense. « Franco-congolaise », lui a donc répondu son client, avant de préciser qu’il était « bisexuel ». L’avocate de la partie civile a aussi interrogé une policière venue ce soir-là « jouer aux fléchettes » avec ses collègues : elle-même est « homo » et a été « pacsée avec une femme pendant quatre ans ».

L’avocat de la Défense : « Au-delà du malaise »

Me Annie Hupé estime donc que ce procès illustre la question de « l’acceptation de la différence », qui est dans ce dossier « inversée ». « Le Rassemblement national est un parti légal dans son fonctionnement », a-t-elle redit aux trois juges nantais.

Les « associations hâtives » du prévenu « mériteraient pleinement une peine d’emprisonnement ferme », avait jugé pour sa part le procureur de la République ; il s’était néanmoins contenté de requérir une peine « opportune » de dix mois d’emprisonnement avec sursis probatoire, avec une obligation de soins pendant deux ans et un « stage de citoyenneté » car il y a « matière à réflexion ». Une interdiction de contacts avec les victimes avait aussi été sollicitée par le magistrat du parquet.

L’avocat de la défense, Me Pierre Huriet, a lui rappelé qu’il avait été « au-delà du malaise » après les « questions extrêmement maladroites » de sa consœur de la partie civile. Sur le fond, il avait plaidé une relaxe partielle de son client, estimant que les « menaces de mort » n’avaient pas été faites « à l’encontre d’un dépositaire de l’autorité publique » mais d’un membre du RN.

Le tribunal a finalement condamné le jeune – qui travaille à présent dans un autre bar de Nantes – à cinq mois de prison avec sursis probatoire : pendant deux ans, il aura obligation de suivre des soins, d’accomplir un « stage de citoyenneté » et de « réparer les dommages » causés par ses infractions. Il devra donc verser à ce titre 300 € au policier qui arborait son badge du RN et 200 € à chacun de ses quatre collègues pour « le préjudice dit moral », a commenté le président./GF (PressPepper)

Visuel d’illustration : Fred Bone – Consommer de l’alcool avec modération.

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