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Paul Lay : Artiste instrumental Victoires du Jazz 2020

Paul Lay : Artiste instrumental Victoires du Jazz 2020.

« Le musicien est un maître du temps, qui joue avec le silence, qui le nourrit. »

Vous venez d’apprendre que vous avez reçu la Victoire du jazz 2020 dans la catégorie artiste instrumental. Que ressentez-vous ?

C’est une joie, un grand honneur. Cette récompense salue une quinzaine d’années d’activité en tant que musicien professionnel, au cours desquelles j’ai enregistré six albums sous mon nom. Elle me donne de l’élan pour réaliser d’autres projets, plus audacieux.

Quand votre passion pour la musique a-t-elle commencé ?

Le déclic fondamental remonte à mes 5 ans, lorsque je suivais des cours de piano classique avec une professeure dont les méthodes pédagogiques étaient innovantes. Elle employait notamment des outils informatiques. Un des programmes qu’elle avait conçus m’a permis d’acquérir l’oreille absolue, ce qui donne la possibilité de jouer instantanément ce que l’on entend en soi, capacité essentielle quand on improvise. Plus tard, un autre professeur a remarqué que je changeais volontairement les notes des partitions que j’interprétais et m’a incité à jouer dans un groupe de jazz. Un monde s’est alors ouvert devant moi.

Au terme de votre cursus scolaire, vous êtes entré au Conservatoire national supérieur de musique et de danse de Paris…

Dans le département Jazz, où j’ai fait de belles rencontres. J’ai commencé à jouer dans des groupes de copains, de même qu’en compagnie d’aînés, ce qui est important car, tout en vous mettant à leur service du mieux que vous pouvez, vous êtes amené à trouver votre propre voie.

Quelles ont été et sont toujours vos sources d’inspiration ?

Un de mes premiers coups de cœur a été l’écoute de l’album At Newport de Duke Ellington, notamment le morceau « Diminuendo and Crescendo in Blue » dont le swing est exceptionnel. J’avais 17 ans et j’en ai été bouleversé. Sinon, j’ai entre autres un goût prononcé pour Ravel, Messiaen, les musiques traditionnelles, ou encore le blues, en particulier celui des bayous. C’est une source inépuisable. Des pianistes comme Thelonious Monk et Ahmad Jamal comptent aussi énormément pour moi, ce qui est également le cas de Billie Holiday. Sa voix est de celles qui m’émeuvent le plus.

Vous lui avez consacré un spectacle, avec le vidéaste Oliver Garouste…

Oui, nous avons raconté sa vie à notre manière, en faisant intervenir de temps en temps sa voix. Avec Olivier, nous avons écrit un autre spectacle, dédié celui-ci à Beethoven. C’est délicat de s’attaquer à sa musique. D’ailleurs, peu de jazzmen l’ont fait ! J’y joue des pièces pour piano et orchestre ainsi que des lieder en me les réappropriant, plus des compositions que j’ai écrites, en miroir. Tout cela fait l’objet d’un album, Beethoven At Night, que je suis en train d’enregistrer avec beaucoup d’enthousiasme.

Chacun de vos projets est singulier. Comment les élaborez-vous ?

En trouvant un thème qui me permet de plonger dans un univers particulier, en cherchant des partenaires avec lesquels associer des couleurs et des timbres qui m’inspirent. Par exemple le trompettiste Éric Le Lann afin d’évoquer Louis Armstrong, ou la chanteuse Isabel Sörling pour « Deep Rivers », un ensemble d’airs américains précurseurs du jazz. Je prépare ces projets en lisant, en consultant des spécialistes ou des amis. Ensuite vient le temps pour moi de me livrer à des improvisations. J’ai besoin de prendre des bifurcations pour me sentir parfaitement libre, même quand le projet est abouti. Après tout, c’est un des aspects fondamentaux du jazz.

Des mots-clé pour définir votre jeu ?

Audace, élasticité, surprise… Devant un piano, j’essaie toujours de retrouver les sensations d’un enfant qui découvre un jouet pour la première fois. Un état dans lequel se mélangent émotion, excitation, désir. Cela dit, avec la maturité, on trouve du plaisir dans l’attente. Le musicien est un maître du temps, qui joue avec le silence, qui le nourrit. Ce qui est un pouvoir extraordinaire quand on y pense !

avec Michel Doussot

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