L’État classe « le Verrou du Val de Loire» et « le Mont Glonne, les rives de la Loire et l’embouchure de l’Èvre ».
Ces actes publiés au Journal officiel du 3 décembre 2023 confirment la reconnaissance par l’État du caractère remarquable de ces 2 grands ensembles paysagers et patrimoniaux emblématiques de la vallée de la Loire.
Après plusieurs années d’instruction ces procédures viennent compléter et achever un vaste programme de protection engagé par l’État en liaison avec les acteurs locaux dans le bien « Val de Loire » inscrit au patrimoine mondial de l’UNESCO puis, plus en aval, sur l’ensemble de la vallée de la Loire et de ses principaux affluents (cf. carte).
Tandis que les outils du code du Patrimoine s’attachent à préserver des espaces à dominante urbaine (SPR(2) ou monuments historiques et leurs abords), les sites classés consacrent quant à eux des paysages à dominante naturelle dont la protection relève de l’intérêt général (articles L.341-1 et suivants du code de l’Environnement).
Traduit en servitude d’utilité publique dans les documents d’urbanisme des communes, le site classé produit ses effets réglementaires à travers l’application de l’article L.341-10 du Code de l’Environnement. Celui-ci impose que l’ensemble des projets modifiant l’état des lieux doivent faire l’objet d’une demande d’autorisation spéciale de travaux. En fonction de l’ampleur et de la nature des interventions, celle-ci est délivrée tantôt par le ministre en charge des sites tantôt par le préfet de département ; les travaux de gestion courante ne modifiant pas l’aspect des lieux ne sont pas quant à eux soumis à ce régime d’autorisation. Les inspecteurs des sites de la DREAL ainsi que les architectes des bâtiments de France sont chargés de l’instruction technique de ces demandes (nb : lorsque qu’un projet est également situé en site patrimonial remarquable ou un abord de monument historique, l’autorisation unique de travaux est délivrée au titre du site classé. cf loi LCAP du 7 juillet 2016).
Le Verrou du Val de Loire
Avant de traverser l’agglomération nantaise et de rejoindre l’océan en s’ouvrant sur les vastes étendues naturelles de l’estuaire, la Loire se heurte à des roches plus résistantes qui vont contraindre, une dernière fois, son long parcours. Le fleuve s’étire dans un lit devenu plus étroit, dominé par des coteaux escarpés, dans un paysage qui fait écho à celui qui l’a vu naître mille kilomètres plus en amont.
A cet endroit, c’est la géomorphologie singulière de la vallée qui confère au paysage son caractère majestueux. Ainsi, depuis les nombreux promontoires et points hauts de Champtoceaux en rive gauche, ou du Cellier et d’Oudon en rive droite, de magnifiques panoramas sur le fleuve, ses îles et ses rives s’offrent au visiteur.
Ce sont ces paysages remarquables qui vont inspirer des artistes de renom, tel William Turner, des paysagistes ou de riches propriétaires tombés sous le charme de la beauté des lieux. Le jardin en balcon des Folies Siffait, la promenade du Champalud ou encore la tour crénelée de la Marlésière,.. sont aménagés pour contempler la vallée de la Loire.
Dans ce site puissant, qui est aussi la frontière historique entre l’Anjou et la Bretagne, de nombreuses réalisations remarquables vont être érigées au fil des siècles pour assurer le contrôle militaire ou économique de ce véritable « verrou » stratégique. L’ancienne citadelle de Champtoceaux, la tour d’Oudon, le péage du Moulin Pendu, ou encore le port et le village pittoresque de la Patache,.. sont les vestiges ou les témoins vivants de cette intense activité qui régna sur le fleuve et ses rives.
Sur les coteaux viticoles, dans les prairies inondables du fond de vallée, au gré des caprices du fleuve, les populations riveraines ont su composer avec les données naturelles et tirer parti de leur environnement pour y développer des activités et des savoir-faire spécifiques des paysages ligériens.
Le périmètre du site classé qui s’étend sur 1400 hectares s’affranchit des limites administratives pour inclure, sur les deux rives, l’ensemble de ces paysages et réalisations remarquables (cf.carte).
Le Mont Glonne, les rives de la Loire et l’embouchure de l’Èvre
Le classement au titre des sites de ce vaste ensemble paysager dominé par la silhouette de l’abbatiale de Saint-Florent-le-Vieil confirme la notoriété du lieu et son caractère pittoresque remarquable.
Depuis le belvédère du Mont-Glonne, les vues sur l’île Batailleuse, les quais de la Meilleraie, le coteau de Varades, le palais Briau et son parc,.. mettent en scène un paysage exceptionnel et emblématique de la vallée de la Loire.
Un peu plus en aval, en contrebas du promontoire, le périmètre du site intègre également les paysages bucoliques des rives de l’Èvre, jusqu’à son embouchure avec le fleuve.
La valeur patrimoniale du lieu est ici confortée par sa dimension historique et artistique, deux critères supplémentaires retenus par le Conseil d’État, fait rare, lors de l’instruction du dossier de protection.
Historique car à cet endroit du fleuve, où le lit plus étroit constitue un point de franchissement privilégié, vont se nouer plusieurs épisodes majeurs des guerres de Vendée. Saint Florent le Vieil, situé à la jonction des Mauges et de la Loire, voit se réunir une puissante armée d’insurgés vendéens qui en 1793 traverse le fleuve pour s’engager dans la fameuse virée de Galerne. En 1795, après plusieurs années de combats, un traité de paix y sera signé. Les rives de Loire conservent les traces de ces affrontements sanglants commémorés par plusieurs édifices.
Ce lieu de mémoire va également inspirer de nombreux artistes et notamment l’un des plus grands écrivains du 20ème siècle, Julien Gracq, dont Saint-Florent-le-Vieil est la terre natale. De par sa formation de géographe, son intérêt pour les paysages et son amour de la littérature, il construisit une œuvre riche et originale, à la frontière du réel et de l’imaginaire. L’évocation des rives de la Loire et de l’Èvre qu’il parcourt tout au long de sa vie, parsème ses écrits fictionnels, ses réflexions autobiographiques ou ses nombreuses méditations géographiques.
Le périmètre du site, classé ici pour son intérêt pittoresque, artistique et historique, couvre un ensemble de plus de 1700 hectares sur le territoire des communes nouvelles de Loireauxence et de Mauges-sur-Loire.
(1) le site du « Verrou du Val de Loire » s’étend sur une partie du territoire des communes du Cellier, d’Oudon (Loire-Atlantique) et d’Orée d’Anjou (Maine-et-Loire), le second sur celui des communes de Loireauxence (Loire-Atlantique) et Mauges-sur-Loire (Maine-et-Loire).
(2) SPR : site patrimonial remarquable.
Visuels : Stephane Yaich/Guillaume Techer