Les Nuits Barbares ou les premiers matins du monde
Hervé Koubi revient au Théâtre de Verre avec les Nuits Barbares, jeudi 31 janvier 2019. Après, Ce que le jour doit à la nuit, le chorégraphe propose une suite.
« C’est une histoire de chemin, tout est une histoire de chemin…
Cinq années passées entre l’Algérie et la France. De part et d’autre de la Méditerranée. Cette mer à l’origine de tous ces peuples déracinés et exilés. Origine commune, fondamentale, indéchirable de ceux qu’on appelle les Méditerranéens.
Certes il est important de savoir d’où l’on vient pour savoir où l’on va mais il est important aussi de savoir d’où l’on parle et il me paraît nécessaire dans le contexte actuel, et je pense qu’il nous est nécessaire à tous, de croire en une universalité des cultures à la fois partagées, métissées et étroitement liées ainsi qu’en un avenir qui selon moi ne peut être que commun.
Les Nuits barbares ou les premiers matins du monde
sera comme un coup de pied donné au fond de la mer quand on s’enfonce dans les ténèbres comme pour mieux remonter à la surface. S’éloigner des ténèbres de l’obscurantisme pour mieux retrouver la lumière de notre histoire partagée.
Qui étaient ces Barbares venus du nord, mystérieux Peuples de la Mer dont la Bible, les chroniques, les monuments anciens relatent les forfaits, sans bien dire qui ils étaient, ni d’où ils venaient ? Qui étaient ces autres barbares de l’Est, ces génies des temps obscurs, les Perses, Ioniens, Siths et Babyloniens, les arabo-musulmans ? De quelle Histoire inconnue, oubliée, reprise, assimilée ou effacée sommes nous héritiers ? Peuples coureurs de steppes ou bâtisseurs de tumulus, peuples avec ou sans dieux, pacifiques ou guerriers, vaincus et pourtant féconds… Il est mille manières de fabriquer de la société.
L’autre, l’étranger fait et a toujours fait peur. Peur fantasmée avec tout ce que cela révèle dans la confrontation. D’ignorance et de frustration même.
Je choisirai donc ici de mettre en scène cette peur ancestrale de l’étranger. Pour mieux aller chercher et dévoiler tout ce qu’il y a justement de savoirs cachés. De richesses, de raffinements derrière ces cultures barbares. Et questionner quelques préjugés bien ancrés dans nos esprits habitués à lire le destin de toute l’humanité à travers des œillères occidentales.
Je veux proposer non pas une réhabilitation de l’Histoire envers ces peuples. Ni en faire l’apologie mais y apporter une mise en lumière sensible. Pétrie d’humanité et tenter de rendre attachants ces barbares, qui sont eux aussi nos ancêtres.
Les Nuits Barbares au Théâtre de Verre
Une forme d’orientalisme avait nourri mes réflexions et rêves d’Orient portées sur Ce que le jour doit à la nuit. La noce barbare de Jean Cocteau, les musiques sacrées d’orient et d’occident, les brillantes traces laissées par les cultures Vandales, Perses (et les pratiques des Zurkhanées), Goths, Celtes, Huns, Arabo-musulmanes… nourriront Les Nuits Barbares ou les premiers matins du monde.
Je choisis de porter mon regard sur ce qui me paraît le plus beau. Les mélanges des cultures. Des religions. Du sacré à travers l’Histoire pour qu’elles puissent m’aider à dessiner et mieux encore révéler les fondations d’une géographie commune sur laquelle aujourd’hui d’un bout à l’autre du monde nous sommes debout trop souvent sans le savoir.
Je veux me saisir aussi de l’Histoire, ouvrir les yeux, glisser vers l’autre, courir vers la Liberté… et me souvenir que le mot barbare se dit aussi Amazigh et signifie l’homme libre.
A la beauté ! Celle qui au delà des guerres parle du mariage. Celle qui rassemble, qui tourne le dos à toute revendication identitaire, celle qui prend le meilleur de chacun. Qui dans son histoire, son altérité et ses origines de toute façon métissées quoiqu’il en soit, lui rend hommage comme un hymne.
A la Méditerranée qui recèle pour moi tant de pourquoi lumineux où l’aveuglement et les bruissements sont les lettres d’or d’un secret perdu. Celui de l’accord absolu de notre désir et de notre destin.
A nos origines communes aussi qui se croisent toutes dans la Méditerranée occitane. Orientale, provençale, espagnole, italienne, maghrébine, romaine, grecque…
A notre Histoire qui depuis plus de 3000 ans témoigne de tant de cultures dont l’altérité, nous rassemble. Oh oui, nous rassemble bien plus qu’elle ne nous éloigne. Qu’importe que nous soyons algériens, espagnols, français… Nous sommes avant tout de la Méditerranée et c’est cela notre appartenance, elle est plus ancienne que les nations. Hervé Koubi- Extrait de notes de travail –
Les Nuits Barbares,
jeudi 31 janvier 2019, 20h30,
Théâtre de Verre,
44110 Châteaubriant