Cluster des cancers pédiatriques sur le secteur de Sainte-Pazanne : une surveillance active et des actions de prévention.
Des mois d’investigation, une enquête épidémiologique auprès des familles, plus de 600 échantillons prélevés et mesures sur site effectuées et plus de 80 000 analyses environnementales, des dizaines d’experts régionaux et nationaux mobilisés… Malgré les efforts déployés, il n’a pas été possible d’identifier une cause commune pouvant expliquer la survenue de cancers pédiatriques sur le secteur de Sainte-Pazanne. Les investigations menées dans les principaux milieux de vie des enfants atteints de cancers et sur les principaux sites industriels du secteur n’ont pas révélé de risque avéré, en l’état actuel des connaissances. L’Agence Régionale de Santé des Pays de la Loire, la direction régionale de l’environnement, de l’aménagement et du logement (DREAL) et Santé publique France restent mobilisées tant sur le plan de la surveillance active que sur les actions de prévention à déployer pour toute la population du territoire.
Fin des investigations épidémiologiques, poursuite d’une surveillance active
En réponse aux attentes formulées lors du dernier Comité de suivi, Santé publique France a mené une étude de la distribution géographique des cancers pédiatriques en Loire-Atlantique entre 2005 et 2018. Elle consiste à mettre en perspective la situation du secteur de Sainte-Pazanne avec le reste du département.
En l’absence de données exhaustives disponibles, ces travaux n’avaient pas pu être faits au début de l’investigation. L’analyse statistique conclut à l’absence d’un risque anormalement élevé de cancers pédiatriques sur le secteur de Sainte-Pazanne par rapport au reste du département. Pour aller plus loin, une analyse par balayage spatio-temporel a été menée afin d’identifier, s’ils existent, des regroupements de cancers pédiatriques et si ceux-ci se prolongent dans le temps sur le département. Cette analyse n’a pas montré la présence significative et persistante de regroupement de cancers de l’enfant sur le département.
Des connaissances incomplètes sur les causes
Par ailleurs, l’investigation menée n’a pas mis en évidence d’exposition inhabituelle à un facteur de risque documenté spécifique à ce secteur géographique et susceptible d’expliquer le regroupement de cancers.
Dans une volonté de respecter au mieux les recommandations du guide méthodologique d’investigation des clusters, mais aussi face à l’inquiétude sociétale, la surveillance des cancers pédiatriques est maintenue en collaboration avec les CHU de Nantes et d’Angers et le registre.
« Nous le savons, d’un point de vue personnel un cancer touchant un enfant reste toujours un cancer de trop. Nous avons passé au crible tous les facteurs de risque connus sans pouvoir identifier une cause commune. Désormais, d’autres pistes sont à creuser : c’est le travail de la recherche portée par l’Inserm et l’INCa. La question que se pose les parents à Sainte-Pazanne est celle que se posent légitimement toutes les familles en France traversant la même situation dramatique. Nous avons besoin de plus de recherches sur les causes de cancer. », précise Lisa King responsable de Santé publique France Pays de la Loire.
Contribuer à l’amélioration des connaissances en santé environnement
Poursuivre et amplifier la recherche sur les causes des cancers pédiatriques est essentiel pour comprendre comment ils apparaissent, mieux les prévenir et améliorer les outils d’investigation disponibles pour répondre aux interrogations de la population face à un regroupement de cas de cancers pédiatriques.
Depuis plusieurs années, Santé publique France est engagé dans l’amélioration des connaissances sur les cancers pédiatriques et de manière plus large sur les expositions de la population (métaux, pesticides..).
Sur la question des pesticides, Santé publique France a déjà lancé avec d’autres partenaires des études d’envergures et inédites à l’échelle nationale pour évaluer la contribution des pesticides à la survenue de cancers pédiatriques (Géocap-Agri) et évaluer le niveau d’imprégnation à ces substances de la population générale (étude Esteban) ou des populations riveraines des cultures (étude Pestiriv).
Réduire les expositions environnementales de la population est également un objectif prioritaire. Un site d’information « Agir pour bébé » était lancé en septembre dernier par Santé publique France. Un site pour sensibiliser les futurs parents et parents de nouveau-nés sur l’influence pendant la grossesse et la petite enfance des environnements (chimiques, physiques, sociaux, affectifs etc.) sur leur santé et celle de leur enfant. Le site regroupe de nombreux conseils pratiques qui reposent sur des informations scientifiquement validées.
Les investigations environnementales à l’école, dans les logements et sur l’ancien site Leduc
En complément de l’enquête épidémiologique, des investigations environnementales ont été conduites par l’ARS et la DREAL – avec l’appui de plusieurs agences et opérateurs (IRSN, ADEME, SPF, HPC…) – pour repérer d’éventuels dépassements des valeurs de référence et prendre, si nécessaire, des mesures de protection. Plusieurs campagnes ont été menées à partir du mois de juillet 2019 : école Notre-Dame de Lourdes, lotissement construit sur l’ancien site Leduc, logements des enfants atteints de cancer… Des centaines de prélèvements et mesures ont été réalisés dans l’eau, l’air, les sols, les champs électromagnétiques, les rayonnements ionisants…
Pour l’école ainsi que pour le lotissement construit sur l’ancien site Leduc, les résultats des 2 campagnes de mesure, en période estivale puis hivernale, permettent de conclure à l’absence d’impact sanitaire des anciennes activités de traitement de charpente.
Des points de vigilance ont été identifiés en juillet 2019 au sein de l’école Notre-Dame de Lourdes liés à une qualité de l’air intérieur dégradée par la présence de polluants : le radon (issu des formations géologique), le formaldéhyde (émis par les revêtements, le mobilier) et le lindane (en lien avec un traitement de la charpente).
Une diminution des concentrations a été observée lors des campagnes qui ont suivi (novembre 2019, janvier et juin 2020). Cette évolution favorable est attribuable aux protocoles d’aération et aux travaux réalisés. Les concentrations mesurées dans les salles de classe sont en deçà ou très proches de la valeur de référence.
Des concentrations de lindane
Pour le lindane, les concentrations retrouvées en juin dernier dans les poussières au niveau des sols de deux salles de classe situées sous le grenier témoignent de la nécessité d’un nouveau réglage de la ventilation. L’OGEC et la DEC, à la demande de l’ARS, ont différé la réintégration des enfants dans ces 2 salles de classe prévue à la rentrée. De nouveaux prélèvements sont programmés début octobre.
Pour les champs électro magnétiques, les mesures faites à l’été 2019 (mesures en continu à l’intérieur de l’école et dans la cour) ont été reconduites cette fois, mi-janvier, à une période de plus forte consommation électrique. Ces mesures statiques ont été complétées par des mesures individuelles (deux enseignants ont porté des appareils pendant 24h). Dans les deux cas, les valeurs mesurées ne révèlent pas d’exposition dépassant les valeurs guides, y compris celles recommandées pour l’implantation d’établissements recevant des personnes sensibles. Ces champs électromagnétiques sont, selon l’avis de l’ANSES, habituels en zone urbaine.
14 logements inspectés
14 logements des familles des enfants atteints de cancer ont fait l’objet d’investigations au cours de l’hiver 2019/2020. Ces investigations ont porté sur plusieurs milieux (air intérieur, sols, eau) et paramètres (chimiques, bactériologiques et radiologiques). Aucune situation n’a justifié la mise en œuvre de mesures correctives immédiates. Des rapports de synthèse assortis de recommandations, lorsque la situation le justifiait, ont été adressés à chaque famille et une restitution collective « anonymisée » organisée par l’ARS le 4 juillet.
Ces campagnes de mesure, qu’elles concernent l’école ou les logements, permettent de prendre des mesures lorsque la situation le justifie, pour favoriser un environnement favorable à la santé. En revanche, ces campagnes et les résultats associés ne remettent pas en cause les conclusions de Santé publique France sur l’absence de cause commune identifiée susceptible d’expliquer le regroupement de cancers pédiatriques observés.
Agir en prévention pour améliorer les milieux de vie
Pour accompagner et amplifier les efforts de prévention, l’ARS et la Communauté d’agglomération PornicnAgglo Pays de Retz ont décidé de s’engager dans une démarche d’élaboration d’un contrat local de santé (CLS). Cette démarche vise à mobiliser l’ensemble des acteurs et à les fédérer autour d’un projet partagé à l’échelle du territoire communautaire. Amélioration de la qualité de l’air intérieur, promotion d’un environnement favorable à la santé de l’enfant, lutte contre l’habitat indigne, réduction de l’exposition aux pesticides…. Le panel des actions possibles est large et certaines d’entre elles pourront, en accord avec les maires concernés, être mises en œuvre dès cette année.
Par ailleurs, l’ARS, la DREAL et la direction régionale de l’agriculture, de l’alimentation et de la forêt (DRAAF) ont décidé de financer la réalisation de campagnes de mesures des pesticides dans l’air extérieur sur la commune de Sainte-Pazanne. Cette campagne, d’une durée d’un an, vient de débuter. Ces investigations, comme les mesures effectuées depuis plusieurs années sur 5 autres points de mesure dans la région, ont pour objectif de mieux identifier les expositions aux pesticides des populations.
Les travaux de recherche se poursuivent au niveau national sur les origines et les causes des cancers pédiatriques
Comprendre les causes des cancers pédiatriques, identifier de nouvelles voies thérapeutiques pour ceux de mauvais pronostic, limiter les séquelles et améliorer la qualité de vie des enfants et des adultes guéris d’un cancer dans l’enfance demeurent des enjeux majeurs pour l’Institut national du cancer. Pour favoriser l’émergence de nouvelles connaissances sur ces cancers, l’Institut a lancé en 2019 un appel à projet pour structurer le partage de données entre équipes de recherche et faciliter la mobilité des jeunes chercheurs.
En 2020, il publie deux nouveaux appels à projets qui visent à soutenir la communauté des chercheurs. Quels que soient leur domaine de recherche et leur discipline. Le premier concerne un appel à candidatures pour la création d’un consortium « Origines et causes des cancers pédiatriques ». Son objectif est de faire émerger des innovations de rupture et de favoriser l’apprentissage de nouvelles connaissances dans le champ de la cancérologie pédiatrique.
Le second est un appel à projets libre «High Risk – High Gain » (Hauts risques – Gains élevés). Son objectif est de soutenir des projets de recherche fondamentale et translationnelle très innovants. Cette recherche ouvrira des pistes originales, non encore explorées, et de produire des avancées concrètes en cancérologie pédiatrique. Il permettra de financer des projets de recherche originaux et audacieux (conceptuellement nouveaux et risqués) qui ne disposent pas de données préliminaires suffisantes pour être sélectionnés dans le cadre des appels à projets classiques.