Abattage d’arbres à Nantes nord : les habitants veulent débattre.
Des habitants ont interrompu les travaux momentanément mardi matin 13 février 2024.
Une enquête pour obtenir une Déclaration d’utilité publique et une Autorisation environnementale unique, vient à peine de se clore sur la nouvelle ZAC. Et sans attendre la décision du préfet, la mairie a commencé l’abattage de 146 arbres, première tranche d’une coupe claire qui pourrait en compter 460 selon une note interne.
La controverse dure depuis plusieurs années sur ce quartier que les élus de la politique de la ville se plaisent à qualifier « le plus vert de Nantes ». Un mantra répété à chaque occasion, qui incite à taper fort : 4 ha de forêt supprimés d’un coup pour l’agrandissement de la Porte de Gesvres, plusieurs dizaines d’arbres ici, plusieurs centaines là… ce qui aurait pu constituer l’atout à défendre en priorité pour ce quartier, diminue régulièrement au gré des opérations immobilières et d’aménagement.
Le leitmotiv « il faut construire pour loger les gens» refoule les questionnements, les approches alternatives, les solutions en phase avec l’évolution climatique.
Le bosquet de la rue de Toronto a focalisé la contestation d’habitants de ce quartier d’habitat social, épaulés par le Collectif Nantes nord pour une écologie citoyenne, le Mouvement national de lutte pour l’environnement et des associations locales. Ce sont les femmes de milieu populaire ou d’origine migrante, qui sont montées au créneau les premières. Certaines y sont nées, il y a 60, 70, voire 80 ans, dans les baraquements qui ont précédé les logements en dur !
Leur attachement à ce bosquet dans lequel elles prennent le frais est devenu un enjeu : il est situé à mi-chemin entre deux îlots de chaleur voisins où ont été relevés 48 degrés au soleil lors de la dernière canicule ! Des familles qui ne partent pas en vacances y pique-niquent à l’été.
La ligne rouge des habitants est simple
Ils ne sont pas opposés à la construction de logements.
Ils constatent seulement qu’il existe sur le quartier suffisamment d’espaces déjà artificialisés pour ne pas avoir à construire sur des espaces boisés. Ils savent ces derniers indispensables face au réchauffement et pour la biodiversité encore importante en ville. Les écureuils et les hérissons y vivent à foison. Une multitude d’oiseaux profitent des différentes hauteurs de feuillage.
D’autres hypothèses comme les rehaussements d’immeubles actuellement étudiés par les bailleurs sociaux ou la construction en bail solidaire au-dessus d’équipements publics en rez-de-chaussée auraient dû être prises en compte.
Au delà de ce bosquet, les habitants sont inquiets de l’hémorragie dans la canopée ! Ils apprécient peu d’être pris pour des Nimby (les projets ailleurs, mais pas chez nous) ou pour des demeurés n’ayant rien compris aux grands enjeux de la métropole.
La collectivité avance celui de la mixité pour justifier un immeuble de 15 appartements sur le bosquet, destinés à des classes moyennes… alors que 500 logements de la promotion privée ont commencé à sortir de terre dans un rayon de 500 m !
Ils sont inquiets de constater que la collectivité a toujours tenu secret le nombre total des arbres qui seront abattus dans le grand projet de quartier. De constater que la direction Nature et jardins de la Ville de Nantes est incapable de chiffrer le nombre d’arbres qui disparaissent chaque année entre les vallées du Cens et du Gesvres, en raison de l’urbanisation, des infrastructures, des tempêtes … et encore moins d’en faire le bilan sur les 10 dernières années ou la prospective sur les 10 prochaines.
Ils sont inquiets de voir que dans le centre ville, on replante des arbres et on débitumise alors qu’à l’inverse, on artificialise beaucoup dans la banlieue. Comme si c’était moins visible pour la vitrine de l’attractivité et du tourisme. A la périphérie prendrait-on moins d’égards ?
Une pétition nationale de 29 000 noms
Ils sont inquiets de voir que les procédures de participation n’ont finalement comme objectif que de faire « passer » les projets conçus par l’agence parisienne Germe et Jam. Une pétition nationale de 29 000 noms sur Change.fr, une pétition locale en ligne de 600 noms et une pétition papier de 120 riverains ; des courriers et des réunions n’auront pas fait bouger d’un pouce l’adjoint de quartier, par ailleurs adjoint aux finances qui tient à lui seul tous les rênes du quartier, de ses dispositifs administratifs et de la voirie où circulent les bus via sa présidence à la Sémitan. Jamais associés aux modalités de réalisation, les élus écologistes de la majorité socialiste sont renvoyés dans les cordes s’ils s’avisent de porter de l’intérêt aux arguments avancés par les habitants.
Les habitants s’offusquent que la collectivité procède à l’abattage avant même les autorisations alors qu’ils ont produit de nombreuses contributions à l’enquête publique et pour lesquelles ils n’ont pas encore de réponses.
De même ils interrogent la densification de ce quartier alors que des maires de Nantes métropole trainent à construire des logements sociaux : 20 communes de l’agglomération (sur 24) sont en dessous du seuil obligatoire des 25 %. Et quand ces habitants récalcitrants demandent pourquoi on détruit ici 300 logements sociaux qu’on aurait pu rénovés comme leurs semblables autour, la réponse se fait des plus évasives : « ah l’ANRU, on n’y peut rien, c’est l’ANRU ! ». Pourtant la métropole peine à en construire 600 par an (chiffre 2023) sur un objectif annuel de 2 000 annoncé au Plan local de l’habitat !
Les habitants ne sont pas idiots : ils apprécient la rénovation-isolation de plusieurs centaines de logements, la création d’une centralité dans le quartier et la création d’un parcours urbain pour relier les espaces. Mais ils savent aussi que des évolutions sont possibles. Par leur opposition, ils ont obtenu que le bosquet de Toronto ne disparaisse pas entièrement. Il sera finalement « seulement » amputé de 10 arbres sur 50. Des 146 arbres visés par Germe et Jam dans la première tranche de travaux, la Direction Nature et Jardins n’en autorisera que 130. La preuve que ce qui est coulé dans le marbre des projets peut, par la négociation, échapper au béton ! À Nantes
nord, on aurait pu faire mieux encore.
La collectivité affolée par la chute de la construction de logements dûe en partie à des promoteurs tablant sur le business plus rentable des bureaux, est devenue sourde à l’attachement des habitants aux arbres adultes qui font partie de leur paysage, de leur santé et de leur bien-être. Ces derniers savent que les jeunes pousses plantées dans les mois à venir ne seront des adultes résistants qu’en 2060 ou 2080. Beaucoup d’habitants ne seront plus là pour les voir et les autres devront affronter ce qu’annonce le GIEC … sans leurs ombrages protecteurs.
Jacques Lamy et le Collectif Nantes nord pour une écologie citoyenne.
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Visuels : Patrick Eade