Badeya : l’amour fraternel au cœur de la mixité nantaise
Colombe Djiadjei a rencontré Kader Konaté restaurateur de Badeya, restaurant associatif
Badeya est un restaurant associatif nantais, situé près du quartier Hôtel Dieu. Ouvert depuis le 22 avril 2023, il propose une cuisine africaine et incarne la vision de Konaté Kader, un jeune Ivoirien de 22 ans. Plus qu’un lieu où l’on vient manger, Badeya se veut un espace inclusif, sans barrière de couleur ni de genre, au cœur de la cité des Ducs.
Né à Abidjan, en Côte d’Ivoire, Konaté Kader est arrivé en France il y a six ans. Initialement, il rêvait de devenir footballeur professionnel. Un oncle lui avait promis de rejoindre de grands clubs français, mais la réalité fut bien différente. Abandonné en Espagne, seul dans un pays étranger, il a dû se reconstruire.
Il se retrouve à vivre seul dans un foyer en Espagne en tant que mineur. Le foyer l’aide ensuite à se rendre en France, paie son billet d’avion et lui trouve un lieu où vivre. Entre les hôtels et l’aide sociale à l’enfance, le jeune homme poursuit ses études à Paris. Il finit par faire trois ans d’apprentissage dans le domaine de la cuisine. Son apprentissage le mène à être chef de cuisine dans la brasserie Les 100 Patates à Nantes.
Tourné vers l’avenir
Loin de son souhait de devenir footballeur professionnel, le natif d’Abidjan nourrit désormais un autre projet : créer un lieu pour favoriser la mixité sociale et culturelle. Un endroit accueillant pour toutes les communautés.
En arrivant en France, il a connu de nombreuses difficultés dues à la différence de culture. Pas du racisme, mais une méfiance face à l’inconnu, d’après ses propos. Le choix de la restauration s’est imposé naturellement, car c’est son domaine de formation. L’idée lui est venue seul, mais le lancement a été difficile avec seulement 8 000 euros en poche.
Konaté s’est tourné vers Singa Nantes, une association qui aide les projets associatifs et les entreprises dans leur structuration. Une aide à projet a également été accordée par la coopérative L’Ouvre-Boîte pour mener à bien son ambition. La ville de Nantes lui donne sa chance en proposant un test d’un mois dans une ancienne gare routière, qui est aujourd’hui l’emplacement actuel du restaurant. Le test est concluant : la clientèle est au rendez-vous, le lieu fonctionne, et l’aventure commence pour le jeune directeur.
Badeya, un lieu d’inclusivité et de solidarité
Le nom Badeya signifie « amour fraternel ». C’est ce message que le jeune homme de 22 ans souhaite véhiculer au public qui vient y manger. Ainsi qu’à ses 12 salariés, ses bénévoles et ses apprentis issus de tous les horizons. Pour certains travailleurs, notamment des migrants, le restaurant est une porte d’entrée vers le milieu professionnel.
Le souhait principal est de mettre la mixité en avant, que ce soit dans les plats, le public ou l’équipe. Le restaurant ne représente pas seulement un lieu où manger, mais aussi un tremplin pour de nombreux événements : accueil des personnes sans domicile fixe, organisation de tournois de foot mixtes, soirées de danse afro les mercredis soir et concerts.
L’objectif de cet emplacement n’est pas financier. Il confie qu’il ne parvient à se verser un salaire que depuis trois mois. La réussite de cette idée est, d’après ses termes, « un soulagement », avec la volonté de poursuivre un développement en Côte d’Ivoire.
Il souhaite aider la jeunesse ivoirienne en valorisant l’agriculture, souvent vue comme une activité « pour les pauvres », et en favorisant l’insertion professionnelle des femmes. Les produits agricoles cultivés en Côte d’Ivoire sont ensuite utilisés au restaurant en France.
Une reconnaissance méritée
Preuve de la reconnaissance de son projet, le 27 novembre 2023, Kader a reçu le prix « Talent des cités » parmi plus de 900 candidats. Ce prix, qui récompense des jeunes entrepreneurs et créateurs issus des quartiers populaires, a été remis lors d’une cérémonie à l’Élysée par le président de la République. Cette distinction a offert une grande visibilité au projet et a suscité l’intérêt des médias locaux.
Konaté termine cet entretien en confiant qu’il est papa d’une petite fille d’un an. Née de son union avec une femme blanche. Fier de cette mixité, il ajoute que depuis le décès de ses deux parents, sa femme, sa fille et toutes les personnes qui entourent son projet sont sa famille. Son souhait pour l’avenir : que dans cinq ans, d’autres lieux comme Badeya voient le jour en France.
Badeya, restaurant africain
Allée de la Maison Rouge
44000 Nantes.
Visuel de Une : Konaté Kader par © Colombe Djiadjei.