Alors que débute la deuxième semaine de ce Vendée Globe, la flotte est toujours très resserrée avec 15 skippers qui se « tiennent » en près de 120 milles au pointage de 15 heures. Leader depuis dimanche soir, Sam Goodchild (Vulnérable) conserve la tête de la course même s’il a été ralenti par une zone sans vent. Son dauphin, Sébastien Simon (Groupe Dubreuil), en a profité pour revenir à moins de 10 milles. Jean Le Cam (Tout Commence en Finistère – Armor-lux) et Conrad Colman (AS Amlin), eux, persistent à l’Est en longeant les côtes mauritaniennes avant de passer à l’Ouest du Cap-Vert.
À tous ceux qui aiment que les choses soient claires, à tous ceux qui aiment les certitudes, sachez que le Vendée Globe ne répond jamais à cette logique. En tout cas pas là, pas maintenant, pas après huit jours de course. Il faut se contenter de ne pas savoir, se borner à répéter que tout peut arriver. Et puis comprendre que le principe d’un élastique – ça creuse devant puis ça revient derrière – est décidément très adapté à la course au large.
Les leaders freinés
En tête de course, le trio de tête – Sam Goodchild (Vulnérable), Sébastien Simon (Groupe Dubreuil) et Thomas Ruyant – a été rejoint au fil de la journée par Nicolas Lunven (Holcim-PRB). Le Britannique a été le premier à avoir buté sur une zone sans vent, ce qui a permis à ses poursuivants de revenir, avant qu’ils ne soient à leur tour ralentis.
Christian Dumard, consultant météo du Vendée Globe, explique la situation : « on fait toujours face à une dépression au Nord-Ouest des Canaries qui bougent peu. Ça a une influence sur l’alizé et ça engendre ces zones de molle ». Ce sont donc les leaders qui ont été les premiers à être freinés, ce qui a permis au reste de la flotte de revenir légèrement : Sébastien Simon pointe à 9,1 milles du leader Sam Goodchild, mais pas de quoi entamer l’enthousiasme du Britannique, qui a répondu aux vacations ce matin. « Je suis fier de ma position et je profite, d’autant que je ne sais pas combien de temps ça va durer. Il y avait des risques avec ma route, il fallait jouer avec les grains, les bascules de vent et j’ai eu un peu de réussite ». Même s’il a été ralenti dans la journée, lui préfère se focaliser sur le Pot-au-Noir qu’il devrait aborder dans deux jours. « La grande question, c’est de savoir comment le passer », confie-t-il.
« Tout est aléatoire, il faut arrêter de réfléchir »
Il n’empêche, sa prise de pouvoir et l’écart qu’a creusé le trio de tête ne sont pas si faciles à encaisser pour leurs poursuivants. Jérémie Beyou (Charal) l’a reconnu ce matin :
« L’idée initiale, c’était de contourner la zone de vent faible dans l’Ouest. C’était une décision réfléchie, j’ai pris le temps de conforter mes choix, je n’étais pas le seul à l’avoir pris… C’est frustrant de voir que ça n’a pas servi et que ça a été contre-productif. Là, ça va ralentir encore. Mais tout est aléatoire, je crois qu’il faut arrêter de réfléchir. »
Dans la foulée, c’est Paul Meilhat qui a répondu aux vacations. Le skipper Biotherm a le sourire même si lui aussi reconnaît le côté aléatoire des conditions. « Quand on a peu de vent comme ça, il peut y avoir des différences de pression qui créent des écarts énormes. Parfois, c’est bon pour moi, parfois c’est bon pour les autres. En gros, ça va, ça vient. Le vent va sûrement rebattre les cartes même si les deux Vulnérablesont déjà partis loin ».
Tous gardent aussi un œil sur les deux partisans d’une route très Est, Jean Le Cam (Tout Commence en Finistère – Armor-lux) et Conrad Colman (AS Amlin). Les deux marins, qui ont accéléré ce lundi, vont passer à l’Est du Cap Vert. « Le Pot-au-noir va ensuite les obliger à se recaler dans l’Ouest, décrypte Christian Dumard. Ça s’annonce très incertain et aléatoire pour eux ».
Du repos, des sourires et des rencontres inattendues
Avant d’être accaparé par ce fameux Pot-au-Noir, la flotte poursuit sa route avec un esprit plutôt léger et beaucoup de plaisir en prime. C’est Romain Attanasio (Fortinet-Best Western) qui plante le décor : « il fait beau, la mer est magnifique avec une légère houle qui pousse le bateau. On est au portant, sous grand gennaker, avec 12 nœuds de vent. C’est le grand bonheur ! » Romain reconnaît avoir « un peu trainé ce matin à la bannette ». Conrad Colman (MS Amlin), lui, explique « avoir bien dormi, fait du yoga, des étirements », Thomas Ruyant (Vulnérable) en a profité pour prendre « un gros petit déjeuner ». Antoine Cornic (HUMAN Immobilier) a dégusté un riz au lait avec son café matinale, Sam Goodchild s’était préparé des œufs brouillés et Clarisse Cremer (L’Occitane en Provence) a apprécié son premier pamplemousse.
Dans le même temps, la flotte se resserre et les croisements sont nombreux. Clarisse Crémer a aperçu Samantha Davies (Initiative-Cœur), Louis Duc (Fives Group – Lantana Environnement) s’est fait réveiller à la VHF par Tanguy Le Turquais (Lazare) qui appelait Romain Attanasio. Benjamin Ferré (Monnoyeur – DUO for a JOB) a eu lui aussi un coup de fil surprise. Au bout de la ligne, un ancien concurrent du Vendée Globe, Sébastien Destremau (éditions 2016 et 2020), qui est passé à proximité cette nuit à bord d’un 43 pied qu’il convoie jusqu’aux Antilles. « Je ne voyais personne à l’AIS et là, c’est Destremau, c’est improbable », explique Benjamin à la radio. « C’est un grand moment d’émotion », lui répond son aîné qui enchaîne : « bon vent, bonne mer et super Vendée Globe ! »
Visuel de Une : À bord de Groupe Dubreuil ce dimanche © Sébastien Simon.